Maintenant sur youtube et dailymotion.

samedi 5 mars 2011

Le travail c’est la liberté.


Bonjour à tous.

Monsieur Scarole est heureux. Depuis des décennies, il n’avait jamais ressenti telle félicité. Humble parmi les humbles, il avait toujours soif de reconnaissance, de se savoir apprécié de ses frères humains. Il fallut attendre la décision d’un groupe d’experts, subir une compétition acharnée et, il faut l’avouer, souvent déloyale, ainsi que des délibérations sans fin, pour qu'André Louis Scarole remporte ce prix qui allait changer sa vie et le placer sur un piédestal inébranlable. Cette récompense, seul succès d’une vie vouée à l’échec, allait lui être décernée, à lui et lui seul, pour l’ensemble de son œuvre. Pour son grand honneur, il deviendrait le lauréat 2010 du « Pire Métier Au Monde ».

Oh certes la bataille fut aussi féroce que les participants étaient pauvres et miséreux. Et, étant donné que le tournois se déroulait en pleine crise financière, leur nombre avait considérablement augmenté en comparaison des années précédentes, si bien que les organisateurs durent se résigner à mettre en place un système de qualification et de phase finale dans les différents pays concurrents. Afin de sélectionner la crème de la crème, et laisser une chance aux pays civilisés de concourir, on préféra organiser en parallèle les mondiaux du métier de merde pour tous les éclopés, invalides, et paralytiques et ce malgré les protestations de l’Angola, du Soudan et du Mozambique, arguant qu’aucun de leurs travailleurs ne seraient à même de participer à la compétition.

De fait, et pour contenter tous le monde, on fixa des règles strictes pour le déroulement du championnat international. Tous les athlètes devaient pour jouer :

-Recevoir un salaire monnayables ou en nature (le bol de riz et la viande séchée sont acceptés comme rétribution) supérieur à 3$ par jour.
-Avoir au moins trois heures de sommeil (par semaine).
-Ne pas avoir plus 30% de handicap. (Un jambe coupée est acceptable si le reste des membre sont intacts, une main équivaut un œil, les orteils ne comptent que si un des bras manque à l’appel etc…)
-Être majeur (plus de 6 ans) et ne pas avoir subit plus de quinze viols par années vécues (pour ne pas exclure les travailleurs de Singapour).

Ces quelques règles établies, chaque pays eut, à sa charge, le privilège d’organiser les tournois qui allaient permettre de découvrir leurs champions. On décida de plusieurs catégories : travailleurs du sexe, à la chaîne, dans le textile, dans l’agro-alimentaire, en traitement de déchets, individuel ou par équipe, sans espoir ou sans avenir ; de différentes disciplines : accomplir sa tâche aidé de coups de fouet, de ceinturon, ou de tisonnier chauffé à blanc, ou encore sous la menace d’une arme tenue par un garde surveillant depuis son mirador. Grande avancée, on décida même d’appliquer la mixité à la compétition. Bien sûr les femmes rechignèrent au début, mais sous la menace d’une arme on finit par changer d’avis.

Beaucoup de pays manquaient d’infrastructures pour accueillir les critériums nationaux. Fort heureusement, les mêmes ne manquaient pas de main d’œuvre et se servirent même de cette occasion pour organiser les premières qualifications durant la construction des stades. On se souviendra de grand moments, cette année, comme la très talentueuse équipe de mineurs chiliens, partie favorite pour le grand prix et qui, malheureusement, jeta l’éponge quand ses membres apprirent que leurs homologues chinois n’avaient certes pas battu leur record de temps passé sous terre, mais qu'ils n’auraient jamais l’occasion de pouvoir raconter leurs aventures et devenir riches et célèbres, contrairement à eux. Nous n’oublierons pas la tentative désespérée de l’Afrique du Sud, pendant l’organisation des Jeux Olympiques, qui interdit à ses compatriotes les plus pauvres de vendre le moindre sandwich pendant les événements. Le comité d’organisation du championnat des « Pires Métiers au Monde », dût sévir car il était stipulé dans l’article 37 du code que, et je cite, « tout compétiteur peut-être victime d’oppression, de dictature, de sectarisme racial, et menacer de mort pour l'accomplissement de son labeur, mais la performance ne doit pas être établie durant une autre compétition que celles organisées par la F.M.I. (Fédération Internationale des Métiers Insupportables) sous peine de disqualification ».

Toujours est-il qu’à l’issue des qualifications, André reçut le prix du « Pire Métier de France » décerné, on s’en souvient, avec émotion, par son dauphin et concurrent direct de l’époque, également ministre du travail : Eric Woerth. La France, outsider en ce début d’année, sut redorer ses gallons durant la saison 2010 grâce notamment aux performances sportives appréciables des entreprises anciennement publiques comme France Télécom, mais également grâce à son administration pénitentiaire qui a fait d’énormes progrès ces cinq dernières années. Songez qu’à présents il n’y a qu’un surveillant pour à peu près cinq détenus dans les prisons françaises… C’est moins qu’en Roumanie ou en Ukraine. Impressionnant n’est-ce pas?

Après s’être qualifié pour les mondiaux, André excella, non pas comme on pouvait l’imaginer, par ses performances, mais par la conviction qu’il avait d’être le plus misérable des participants. Malgré le fait d’être entouré des plus beaux spécimens d’exploités de la planète entière, notre vainqueur était persuadé que ses problèmes de quotas laitiers et de production de tomates au mois de février était bien plus important que ceux de son collègue chinois, affecté au point de croix de la manche droite de copies de chemises Lacoste depuis 45 ans et ce seize heures par jour. C’est ce qui a ému, autant que surpris le jury et emporté la décision d’attribuer à André Louis Scarole le prix du « Pire Métier au Monde ». Malheureusement, cet honneur devra lui être décerné à titre posthume puisque nous avons appris la semaine dernière le suicide d’André, deux jours avant la remise de la récompense.

Nous saluerons donc ce grand athlète qui a su convaincre autant qu’émouvoir, et qui a fait à nouveau de la France une nation au rayonnement international. Encore bravo André, et salut l’artiste.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire