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samedi 29 octobre 2011

Faits lisses cités.


Bonjour à tous.
Durant ma courte existence qui n'aura été, finalement, qu'une succession d'aventures palpitantes que Dumas lui-même n'aurait pas rechigné à écrire sous ma dictée si j'avais préféré le style romanesque à celui, plus égocentrique, des chroniques intempestives ; au cours de cette vie extraordinaire, donc, j'ai rencontré une flopée de connards et de connasses, tous plus banals les uns que les autres, et prêts à s'engoncer dans la case qui leur était attribuée à la naissance par quelques pressions sociales et familiales. Pressions sans lesquelles l'homme, et la femme, sur qui le premier peut s'appuyer, voir carrément piétiner, pour se hisser un piédestal dans le règne animal, aurait été incapable de marcher sur la lune, de découvrir les Amériques, d'acheter la liberté des autres hommes, de vendre la peau de l'ours et de voter Bayrou en 2007.

J'en ai connu des frustrés du vocable et des inadaptés congénitaux, des pessimistes joviaux et des optimistes suicidaires, des caractériels sous pression, des paranoïaques en veine, des mous du genou et des durs de la feuille, des dépressifs à l'ado, des acariâtres de cheminées, des malins comme des singes et des cons comme leurs pieds, des clowns tristes, des augustes, des artistes comme des rustres, bref, toute la palette chamarrée basse de la nature humaine que je croisais, le cas échéant et le matin, devant le miroir embué des vapeurs de mon hygiène de vie.
Ce pendentif, Annie...
Euh, excusez-moi. Une virgule mal placée, et on finit par caler les vers. Or, quand le Lacan roue la Berne de coups dans le fût, le calant bourre la reine de fou dans le cul. Hum. Reprenons.
Cependant, Tiffanie, qui, non contente de ne pas s'appeler Odile et de faciliter mes verbiages calembouriques, a la chance de me compter parmi ses connaissances, me faisait judicieusement remarquer que dans la palanquée d'autrui que nous connaissons, détestons et aimons au cours de notre claquement de doigt de voyage sur cette planète, il n'en existait qu'une infime partie qui affirmait sincèrement être heureux.
J'acquiesçais volontiers à la lueur de cette affirmation empirique, vérifiable par tous ceux qui ne vivent pas entouré de trisomiques ou de partisans lobotomisés par le discours de leurs étalon à fleur ou de leurs maîtres à penser. Quoi que, une grande différence sépare ces deux catégories. Les premiers sont contraints par une malformation génétique d'arborer ce sourire béat sur leur triste visage et ce quelque soit le sentiment qui les traverse. Les autres, eux, sont les vrais handicapés puisque dépourvu de libre arbitre. Il n'y a qu'à les voir suivre le premier orateur venu comme des labradors niais jusqu'à ce qu'un autre, plus jeune, plus grand ou plus hargneux vienne leur dire quoi penser pour pouvoir, enfin, changer de discours sans jamais changer d'avis.
Tout ça pour dire que mon amie dit vrai. On rencontre peu de gens heureux. Ce constat fait on peut se poser la question : mais pourquoi diable, dans ce monde ou le bonheur constitue la première des quêtes existentielles, pourquoi ne croise-t-on que si peu de chanceux susceptibles d'en avoir trouver? Et bien je vais vous le dire, parce qu'il nous foute les jetons, voilà pourquoi! Ou parce qu'ils sont contagieux... Ou bien parce qu'on en est tellement jaloux qu'on essaie à notre tour de les rendre malheureux pour se sentir plus heureux qu'eux. Ou alors un peu des trois.
Pas plus tard que la semaine dernière, j'en ai croisé une dans le métro, j'ai cru qu'elle allait se faire dépecée sur place par la foule des employés de banques et des agents d'entretien présents dans la rame qui les conduisait invariablement vers leurs boulots merdiques respectifs. Pourtant, tout le monde connait les trois règles de tous bon transport en commun :
1- On ne laisse sa place à une grognasse en cloque ou à une antiquité sur patte que si, et seulement si, cette dernière vous lance des regards noirs depuis trois stations et que vous êtes le plus frais et le moins obèse de tous ceux assis autour de vous.
2- En cas de conflit pour la seule place restante, la femme enceinte est prioritaire sur le fossile vivotant, enfin, jusqu'à un certain niveau de handicap. Exemple : une mamie gâteaux au visage potelé est parfaitement en droit de demander de sa voix chevrotante :
« -Pardonnez-moi mademoiselle mais puis-je m'installer à votre place? Ma gangrène me fait atrocement souffrir... »
En revanche, son interlocutrice devra s'exécuter sans lui rétorquer :
« -Et ben moi j'ai appris que j'étais enceinte de deux semaines hier alors va te faire foutre l'ancêtre, j'y suis, j'y reste! »
3- On ne parle pas du fight club. Euh non, pardon mauvais règlement.
3- Donc, on ne souris jamais au grand JAMAIS.
Cette dernière règle est la plus cruciale de toute et s'applique dans tous les pays depuis l'avènement du transport en commun.
Or cette étrange jeune fille qui entra dans le wagon deux stations après moi semblait l'avoir oubliée puisqu'elle s'installa en face de moi et, de ses lèvres d'enfant, plus faites pour engloutir, sans risette, des sucettes à l'anisette, me gratifiait d'un sourire carnassier dont je ne pouvais m'extraire alors que d'habitude, seules les poitrines opulentes ne trouvaient grâce à mes yeux.
Je fus parcouru par un frisson d'effroi à l'idée de devoir subir une telle félicité, et préféra détourner mon regard noir pour me replonger dans la lecture de mon canard.
Les autres passagers n'eurent pas le même réflexe salvateur. En relevant une nouvelle fois la tête, je m'aperçus que cette salope infâme avait contaminé trois innocents, parmi lesquels un peintre en bâtiment édenté qui avait l'air encore plus con que les autres avec sa moitié de sourire. Pour ne pas abandonner la pauvre créature qui me jouxtait à son heureux sort, je m'ébrouai violemment après une quinte de toux simulée pour attirer l'attention sur mon journal pleins de mauvaises nouvelles et ma mine grave de jeune homme lettré souffrant son siècle.
Malheureusement, mon stratagème poussa uniquement les gens à m'ignorer et, de fait, à les précipiter dans les griffes cotonneuses de la grognasse béate à qui j'avais déclaré la guerre plus tôt. Sans aucun doute repus de son prosélytisme et d'avoir ôté toute volonté à ses nouvelles ouailles, la harpie du bonheur quitta la rame pour aller répandre sa mièvrerie en d'autres lieux. En passant la porte coulissante, elle me lança un regard doux qui me glaça le sang. Je compris dés lors que je serais le prochain sur sa liste macabre et que je succomberais moi aussi aux affres de la plénitude.
Depuis son départ, les adorateurs de la gourou semblaient perdus, comme émergeant d'un cauchemar de cachemire. Un à un, je les voyais plonger et se dessécher sur place. Chaque station les éloignant de leur dealeuse de joie semblait leur vampiriser une larme de vie.
Quand à moi, d'abord indifférent à leur sort, je commençai petit à petit à m'y pencher, en me réjouissant dans un premier temps de ne pas m'être laisser prendre au piège. Au fur et à mesure du voyage je sentis la joie m'envahir comme une grosse envie d'uriner. Puis ce sentiment se mua en satisfaction d'avoir échapper au pire, et, pour finir, une chaleur caressa le creux de mon âme comme si j'avais effectivement relâcher ma vessie de sa pression naturelle. J'étais heureux. Merde.
Mes lèvres crispées, habituées à se tordre dans l'autre sens, émirent un grincement de porte au moment de s'inverser, et je me mis à sourire comme un benêt.
J'erre depuis ce temps dans la rame 18 du métro toulousain attendant qu'un homme malheureux vienne me délivrer de mon sortilège.
Vivement que la gauche perde en 2012 pour que les prolos déçut et en colère envahissent les transports en commun et qu'enfin je parvienne à m'extraire de cette malédiction. Qu'ils fassent en sorte que je puisse encore une fois, rien qu'une fois, être vraiment malheureux.
A bon électeur, salut!

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